Depuis un an, l’invasion militaire de Gaza par l’armée israélienne sous les ordres de
Netanyahou et le soutien de toute la communauté internationale, dont la France, a
soumis ce territoire déjà vulnérable à un projet d’annihilation implacable. Les
infrastructures vitales sont anéanties, les soins et l’alimentation de base sont
bloqués, et plus d’un million de personnes ont été déracinées. Dans son sillage,
Tsahal laisse derrière elle des dizaines de milliers de corps s’empiler dans l’enclave
de Gaza, dont au moins 70% sont des civils car ce chiffre reflète la proportion de
femmes et d’enfants victimes de cette guerre.
Assuré du soutien politique, économique et militaire inconditionnel des États
occidentaux, Israël entame mi-septembre une nouvelle offensive contre le Liban,
avec sa méthode de destruction totale déjà éprouvée dans la bande de Gaza,
transformant chaque jour des villes et des campagnes au sud Liban en ruines et en
terres rasées et en laissant des centaines de morts et des milliers de blessé.es.
La France fait partie des fournisseurs d’armes et de matériels militaires d'Israël. Ce
jour est pour nous, féministes, l’occasion de rappeler l’urgence de mettre fin à cette
violence coloniale et à la complicité active de la France.
Nous exigeons que notre pays cesse immédiatement ses ventes d’armes et de
matériels à Israël, et nous appelons clairement à la fin du massacre colonial : à
Gaza, en Cisjordanie, et au Liban !
Dans ce contexte, il est crucial de dénoncer un phénomène insidieux qui se déploie
aussi bien en Israël qu’en France : le fémonationalisme, ou l’appropriation des sujets
féministes à des fins nationalistes et militaristes. En Israël, ce mécanisme prend une
forme particulièrement sophistiquée avec la glorification de l’implication des femmes
dans les forces armées. Des vidéos mettant en scène des soldates, comme celles de
l’unité de tankistes du bataillon caracal le 7 octobre dernier, sont diffusés
massivement pour promouvoir l’idée d’une armée égalitaire et progressiste, où les
femmes jouent un rôle essentiel dans la défense de la nation.
L’annonce, pour début 2025, de l’inauguration d’une unité d’élite 100% féminine
s’inscrit dans cette logique : préempter la militarisation des femmes comme un
symbole d’émancipation.
Mais que cache cette célébration de l’émancipation féminine par le sang et les armes
? La guerre n’est pas plus juste ni la mort moins douloureuse parce qu’elle est
infligée par des femmes.
De même, il y a un an, une image d’un soldat de tsahal debout parmi les décombres
et brandissant un drapeau LGBTQIA avec l’inscription “in the name of love” a captivé
l’attention du monde entier.
Cette scène illustre la synergie entre le pinkwashing et le fémonationalisme au sein
de la propagande militaire israélienne.
Ce discours tente ainsi de masquer la vérité : ce sont les oppresseurs, armés et
organisés, qui dictent qui peut attaquer, qui peut se défendre, et qui possède les
armes, donc le pouvoir.
La militarisation des femmes et des LGBTQIA israélien.nes ne fait que renforcer
cette dynamique. En les intégrant dans ses rangs, l’armée israélienne veut montrer
une image progressiste et morale. Pourtant, cette réalité cache la double injonction
sexiste imposée aux femmes israéliennes : enfanter pour offrir des soldat.es et
prendre les armes pour faire perdurer la violence coloniale.
Les féministes décoloniales ont d’ailleurs ce slogan : “je ne tire pas, je n’enfante pas,
ainsi je ne trahis pas ma nation”. C’est aussi vers cette résistance que nous devons
poser nos yeux.
Dans le même temps, les femmes palestiniennes résistent même si elles sont
désarmées, vulnérables, humiliées par l’armée israélienne, incarcérées et privées
des conditions matérielles les plus élémentaires.
A Gaza, elles subissent les accouchements et les césariennes à vif en raison du
manque d’équipements médicaux. Elles manquent de produits d'hygiène de première
nécessité. Elles sont exposées à des violences sexuelles et sexistes, exacerbées par
l’état de guerre et de siège.
Ce déséquilibre des rapports de pouvoir est évident, et la tentative d’humaniser une
armée israélienne féminisée ne fait que mettre en lumière l’abîme entre les femmes
que les nations occidentales prétendent protéger et celles qui, dans l’ombre du
conflit, sont cruellement sacrifiées.
Ce fémonationalisme, nous le retrouvons aussi en France. Ici, le gouvernement
instrumentalise les droits des femmes pour justifier ses propres politiques
impérialistes et ses relations militaires avec Israël. En prétendant défendre les droits
des femmes contre les “barbares” que seraient l’ensemble des hommes arabes, ici et
là-bas, nos dirigeants vernissent de violet leur s exactions, afin de justifier
l'interminable oppression du peuple palestinien.
EN soutenant militairement et diplomatiquement Israël, la France participe
activement à un génocide colonial, tout en favorisant la militarisation croissante de
notre société.
Ce phénomène s’inscrit dans un contexte où les violences racistes commises par
l’État français explosent, notamment au travers d’une politique oppressive des
quartiers populaires, mais aussi d’un maintien de l'ordre colonial en Kanaky, à
Mayotte et plus récemment en Martinique. Il est temps de mettre un terme à ces
hypocrisies proférées au nom d’un idéal de progrès et d’assumer nos
responsabilités.
Dans ce sombre tableau, il est essentiel de reconnaître et de soutenir les voix
israéliennes et palestiniennes qui sont invisibilisées et réprimées pour la raison
même qu’elles s’élèvent contre les injustices et les violences vécues par le peuple
palestinien.
Depuis la société israélienne, des féministes décoloniales se battent contre la
politique de guerre de Netanyahu et contre l’apartheid depuis des années; Ces
dernières dernières refusent d’être utilisées comme des cautions morales et
réclament une paix juste pour toustes. Leurs syndicats palestiniens qui ont été bien
trop négligés par la solidarité internationale luttent de toutes leurs forces pour la
justice sociale et la dignité humaine.
Un an après le début du génocide, nous appelons donc à un réveil des consciences
et à l’action. Suivons l’élan des féministes du monde qui partout se joignent au
désarmement du génocide comme à Naarm en Australie le 11 septembre, où des
milliers de personnes fort.es d’un front unitaire ont bloqué le salon de l’armement. ou
encore aux États- Unis, où les féministes se multiplient dans tous les espaces publics
et politiques pour faire arrêter les ventes d’armes.
Alors que le monde entier a les yeux rivés sur la Palestine, une majorité de médias
français restent dans l’omerta. Pire encore, quand ils n’invitent pas directement
Netanyahu, sur leurs plateaux TV, l’actualité qu’ils déversent mettent en danger les
personnes (supposées) musulmanes et juives. Il apparaît dès lors que seules nos
mobilisations peuvent encore faire parvenir le bruit sourd des massacres jusqu’aux
rues françaises.
Conscientes que chaque acte de violence est inacceptable et que la guerre et la
colonisation entraînent leur cortège de souffrances et de viols, de civils enlevés,
retenus ou faits prisonniers, nous avons le devoir de renouer avec la lutte.
C’est notre dernier espoir pour infléchir l’horreur qui s’intensifie, non seulement à
Gaza, mais aussi en Cisjordanie, au Liban, au Yémen et jusqu’en Iran.
En 2023, le gouvernement Macron a fait voter au Parlement un budget militaire de
412 milliards d’euros pour les 5 ans à venir pour garantir, entre autres, “le succès des
armes de la France”. Il est de notre devoir de dénoncer ces budgets colossaux qui
devraient être attribués à la santé et à l’éducation.
Nous dénonçons tous ces gouvernements qui appellent au cessez-le-feu, tout en
continuant à livrer des armes. Nous n’appelons pas à la paix en fournissant des
armes de guerre.
Nous exigeons que la France cesse immédiatement de vendre des armes à Israël.
La cause palestinienne est une cause féministe, car elle incarne la lutte pour la
liberté, la dignité et la justice pour toustes. Dénonçons, perturbons, occupons. Nos
luttes sont liées : désarmons le fémonationalisme et le pinkwashing, en Israël comme
en France, et construisons une solidarité féministe véritablement internationaliste.